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tend à canaliser le courant ploutocratique pour l’obliger à arroser dans une juste mesure le champ nivelé de l’aisance plébéienne. Quand l’opposition a grandi jusqu’à la menace sérieuse, quand il y a péril dans les riches demeures, leurs habitants n’ont qu’à faire la part de l’instinct canalisateur pour conserver l’essentiel : la source. Ils le savent et, étant armés, n’ont pas peur. Les Hovstad et les Billing auront beau, le cas échéant, élever la voix jusqu’au ton de la revendication sociale, ceux qu’ils attaquent ne craignent rien. Ils savent d’où part l’attaque et ce que parler veut dire. Ils accepteront au besoin le socialisme en l’enfermant dans un réseau de formules qui pourraient se réduire à une seule, inexprimée, mais souveraine : donner pour conserver.

Ceci, Ibsen nous le montre dans d’autres pièces. Mais Un Ennemi du Peuple présente un cas plus simple. Grâce à l’intervention intempestive d’un troisième élément dont nous nous occuperons tout à l’heure, ploutocrates et démocrates s’unissent pour la défense de leurs intérêts communs. La solidarité qui existe entre eux leur apparaît soudain bien clairement à tous. La vie sociale telle qu’elle est reprend sans aucune modification son cours un instant interrompu. Malheur à qui prétendrait lui opposer une digue avec sa seule volonté. Cette volonté fût-elle trempée dans la passion du vrai et stimulée par un grand idéal de liberté individuelle, il sera renversé, emporté par le courant furieux, submergé, anéanti, à moins que…

Mais achevons d’abord l’exposition commencée.

Au milieu de la cité s’élevait jadis la citadelle. Au