Page:Ibsen - Un ennemi du peuple, trad. Prozor, 1905.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

nait vers l’avenir, pour voir si le rêve n’allait pas se transformer en une réalité vivante. L’intérêt palpitant avec lequel il considère parfois reniant qui grandit, plein de mystères et de promesses, est un signe révélateur de l’état intime de son esprit. Cet homme espérait, il espérait avec ardeur, avec passion, une passion vibrante et inquiète, qui souvent le faisait trembler pour le sort de l’être auquel s’attachait son espoir. Il le voyait menacé, perdu ; un coup retentissait et Hedwige tombait ensanglantée ; un autre coup, et Hedda Gabier se tuait avec l’enfant qu’elle portait dans son sein. D’autres fois, c’était le spectre de la dégénérescence qui le hantait jusqu’à l’exaspération, jusqu’à préférer la mort du petit Eyolf au rachitisme auquel il le voyait condamné. Mais l’espoir était invincible. Il triomphait de la mort même et en faisait un instrument de régénération. Almers et Rita séchaient leurs larmes et l’enfant infirme était remplacé par tout une jeune et robuste couvée d’enfants étrangers, venus de n’importe où, appartenant à n’importe qui, mais portant en eux la vie et ses promesses.

De toutes les pièces d’Ibsen, il n’y en a pas une où cette note d’optimisme particulier, comme involontaire et irrésistible, retentisse aussi délibérément que dans celle où il anathématise avec le plus de violence une société, d’après lui, irrémédiablement condamnée et dont les tares mortelles y sont stigmatisées sans pitié, comme elles ne l’avaient jamais été depuis les prophètes anarchistes d’Israël.