Page:Ibsen - Un ennemi du peuple, trad. Prozor, 1905.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle-même. Mais c’est une volonté humaine, une volonté individualisée, consciente, qui cherche délibérément à se manifester. Si elle ne peut y arriver par la construction d’un monde qui obéisse aux lois de la raison absolue et éternelle, de même essence qu’elle, divine comme elle, cette volonté tend à apparaître sous l’aspect d’une force destructrice. Elle s’attaque au monde qui obéit aux conventions passagères, aux vérités d’un jour, à tout ce qui n’est que loi arbitraire et que limitation. Je l’ai dit, elle opère avant tout par la critique, la critique droite, radicale et impitoyable des vains principes qu’elle se propose de détruire. Elle n’a pas de peine à établir leur vanité et à démontrer que cette vanité est malfaisante. Les arguments dont elle se sert ce sont des êtres, des faits, c’est de la vie. Nous voyons un Oswald Alving victime des tares paternelles qui lui ont vicié le sang et l’âme. En regardant plus attentivement et plus profondément, nous reconnaissons que ces tares elles-mêmes sont produites par une ambiance délétère. Elle atrophie les forces élémentaires et divines de notre être originel, en les enfermant dans un étau de principes factices, de mobiles étroits et de coutumes surannées. Tout cela a subi l’œuvre du temps. Le factice, l’étroit, le suranné, viennent de ce que, dans l’arbre social dont les Alving sont des rameaux, la sève s’est appauvrie, le développement est faussé, les tissus rétrécis ou morts. Poussons l’analyse plus loin encore : à quoi tient cette dégénérescence ? Au sol même et à l’atmosphère. Œuvre du temps encore une fois, œuvre lente des éléments contraires : longues