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PEER GYNT

Oui, j’ai couru quelques bordées…
Aurais-je fait le loup-garou
Avec trois filles possédées ?
Bah !… quel conte à dormir debout !

(Regardant au-dessus de lui, au loin.)

Là, vers le ciel, un aigle monte ;
Le canard, par-dessus les monts,
Vole au midi… Moi, quelle honte !
Je barbote dans nos limons…

(Se levant d’un bond)

Non, non ! suivons leurs vols superbes !
Je veux, à cet oiseau pareil,
Me tremper dans les vents acerbes
Et me baigner dans du soleil !
Par-dessus les buttes de terre,
Les montagnes et les détroits,
Au nez du prince d’Angleterre
Aller trinquer avec des rois !
Et vous, filles, dont j’eus envie,
Adieu ! je vais où l’on m’attend
Et ne reviendrai de ma vie,
Si parfois l’humeur ne m’en prend…
L’aigle s’est perdu dans la nue
Et les canards sont déjà loin…
Je vois une maison connue,
Que l’on restaure avec grand soin.
Et voici que cette ruine
A repris un aspect joyeux.
Je reconnais, — bonté divine !
Le vieux logis de mes aïeux.