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PEER GYNT

hague, qui t’a demandé ton nom, disait qu’il n’y avait pas de prince là-bas à avoir une aussi bonne tête. Même que ton père, pour ce propos, lui a fait cadeau d’un cheval, et d’un traîneau par-dessus le marché. Oh ! en ce temps-là, on admirait tout chez nous. Le doyen, le capitaine et tout le bataclan ne sortaient pas de la maison, mangeant, buvant, faisant ripaille à en crever. Mais c’est dans le malheur qu’on connaît les gens. Du jour où « Jean, le colporteur » s’en fut allé par les chemins, son sac sur le dos, tout devint silencieux ici, il ne vint plus âme qui vive. (Elle s’essuie les yeux avec son tablier.) Oui, oui, tu es grand et fort, et tu devrais bien servir d’appui à la vieille mère malade, soigner l’enclos, défendre les derniers restes de ton bien. (Elle recommence à pleurer.) Vaurien ! Dieu sait que tu ne m’as jamais été d’aucun aide. À la maison, tu ne sais que faire le fainéant, étendu devant l’âtre, à remuer la cendre. Dehors, quand tu vas à une assemblée, tu fais fuir les filles et te bats avec les plus mauvais sujets de la commune. À cause de toi, je suis la risée de tout le monde.

Peer Gynt (s’éloignant d’elle)

Laisse-moi tranquille.

AASE (le suivant)

Nieras-tu que c’est toi qui as monté, il n’y a pas bien longtemps, ce terrible boucan de Lunde,