Page:Ibsen - Peer Gynt, trad. Prozor, 1899.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
PEER GYNT

maintenant il s’appelle momie, et, par surcroît, il est mort. C’est lui qui a bâti toutes les Pyramides, et taillé dans le roc le grand Sphinx, et fait la guerre aux Turcs. Aussi Égypte en a-t-elle fait un dieu qu’elle adorait dans un temple sous la forme d’un bœuf. Eh bien ! le roi Apis, c’est moi ; je vois ça clair comme le jour. Si tu en doutes, je te le prouverai. Un jour que le roi Apis était à la chasse, il descendit de son cheval pour se retirer à l’écart. Le terrain ainsi fertilisé par le grand roi appartenait à mon grand-père. Or ce terrain m’a nourri de son blé. Te faut-il une autre preuve ? J’ai sur la tête d’invisibles cornes. N’est-ce pas une malédiction que personne ne reconnaisse mes titres ? Apis de par ma naissance, aux yeux du monde je ne suis qu’un fellah. As-tu un conseil à me donner ? Donne-le-moi en toute franchise. Mon ambition est de ressembler au grand roi Apis.

PEER GYNT

Votre Seigneurie n’a qu’à bâtir des pyramides, qu’à tailler un grand Sphinx et qu’à faire la guerre aux Turcs.

LE FELLAH

Tout cela est bon à dire. Moi, un fellah, un misérable crève-faim ! J’ai bien assez de défendre ma cabane contre les rats et les souris. Allons, trouve quelque chose de mieux, qui me fasse