Page:Ibsen - Peer Gynt, trad. Prozor, 1899.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
ACTE IV

bien quelque chose. Pas de danger ! Il doit y avoir pensé. (Haut, d’un ton insinuant.) Il ne voudrait pas la perte d’un pauvre petit passereau comme moi ! Soyons humble et donnons-lui le temps. Abandonnons-nous au Seigneur et faisons bonne contenance. (Bondissant sur ses jambes avec terreur.) Quel est ce grognement dans les roseaux ? Un lion peut-être ! (Claquant des dents.) Non ; ce n’était pas un lion. (Se remettant.) Mais si, c’est un lion ! Ces bêtes se tiennent à l’écart. C’est qu’il ne fait pas bon de s’attaquer à son Seigneur et maître ! Elles ont de l’instinct et sentent bien qu’il ne faut pas jouer avec le feu… N’importe ! Cherchons un arbre. Je vois là-bas des palmiers, des acacias. En grimpant sur l’un d’eux, je serai en sûreté. Si seulement je savais quelques cantiques… ! (Il grimpe sur un arbre.) « Le soir ne ressemble pas au matin. » On a souvent médité sur cette profonde sentence. (Se mettant à l’aise.) Qu’il fait bon de se sentir ainsi l’âme haute ! Une noble pensée vaut mieux que toutes les richesses du monde. Fions-nous à Lui. S’il me tend le calice des douleurs, Il sait ce que je suis capable d’absorber et n’exigera pas davantage. Il a pour moi un cœur de père. (Bas avec un soupir et un regard de regret vers la mer.) Mais, hélas ! Il n’est guère économe !