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VII
PRÉFACE

écrit l’année précédente. Il arriva cependant que le poète n’eut pas plutôt lâché la bride à sa fantaisie que cette fantaisie elle-même le ramena aux sources naturelles de sa pensée. Peer Gynt devint, comme ses autres drames, un miroir des idées ibséniennes. Seulement, en les reflétant, il les illumina d’un rayon plus spécialement norvégien, si bien que Peer Gynt est, peut-être, la moins personnelle et la plus nationale des œuvres d’Ibsen. Il s’y émancipe, en quelque sorte, de la tyrannie de son propre moi. Entrant en communion avec la masse, il cesse, pour un instant, d’être l’homme seul, qu’il redeviendra bientôt. Il va jusqu’à railler ce principe d’être soi-même qui demande souvent tant de sacrifices et de souffrances à qui veut strictement s’y conformer. Sa raillerie, il est vrai, ne s’adresse qu’aux fausses applications de la grande maxime de Brand. Mais on sent chez lui le désir inconscient de se débarrasser provisoirement et de cette maxime et de toute maxime en général. Si on l’envisage au point de vue de l’art, Peer Gynt a une allure débraillée tout à fait norvégienne, cadrant avec le sujet de l’œuvre, mais contrastant avec la forme sévère et concentrée qu’Ibsen a donnée à tous ses