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ACTE III

drai loin de moi, à bras tendus, ton corps tendre et tiède ! Non, vrai ! Qui aurait pu croire que je te parlerais ainsi ? Ah ! mais c’est que j’ai langui après toi des jours et des nuits ! Je vais te montrer tout ce que j’ai bâti ; je le démolirai, tu sais ; c’est trop petit, trop laid.

SOLVEIG

Petit ou grand, cela me plaît. Maintenant je respire librement, la joue au vent. C’était si étroit, si étouffant en bas ! Encore une raison qui m’en a chassée. Ici au milieu des sapins qui bruissent partout, il y a du chant et du silence, et je me sens chez moi.

PEER GYNT

Bien vrai ! Tu es chez toi ! Pour toujours ?

SOLVEIG

On ne revient jamais par le chemin que j’ai pris.

PEER GYNT

Je te possède donc ! Entrons ! Que je te voie dans mon gîte. Entre ! Je vais chercher du bois, et nous ferons un grand feu pour qu’il y fasse chaud et clair et que tu t’y reposes doucement sans avoir à grelotter jamais.

(Il prend sa hache et se dirige vers la forêt. Au même moment débouche d’un taillis une femme d’aspect vieux et minable, vêtue d’une robe verte en haillons. Un vilain petit garçon, une cruche à la main, la suit en boitant et en se tenant.)