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À OSTRAAT

madame inger
(Se promène silencieuse et inquiète sur la scène et dit) :

Si le comte Sture n’avait pas aussi vite fait ses adieux à ce monde, avant un mois, il eut été pendu ou fait prisonnier à vie. Aurait-il été plus heureux ?

Ou bien il aurait gagné la liberté en vendant mon enfant à l’ennemi ! Aussi, l’ai-je tué. Le loup ne défend-il pas ses petits ? Qui donc oserait me blâmer parce que j’ai anéanti celui qui voulait m’arracher la chair de ma chair.

C’était la fatalité ? Toute mère aurait agi comme moi.

Mais je n’ai plus de temps pour ces pensées oisives. Il faut agir.

(Elle se place devant la table du coté gauche).

Je veux écrire à tous mes amis dans le pays. Il faut qu’ils se soulèvent pour la grande cause. Un nouveau roi, — d’abord gouverneur, puis roi…

(Elle commence à écrire, mais s’arrête pensive et dit à voix basse).

Qui choisira-t-on à la place du mort ?

Mère de roi… Un beau rêve dans ce mot mère de roi. Il n’y a qu’une chose étrange, l’affreuse ressemblance avec l’autre mot : assassin de roi ![1]

Mère de roi, assassin de roi !

Assassin de roi est celui qui prend la vie d’un roi.

Mère de roi est celle qui donne la vie à un roi.

  1. En Norvège, mère de roi se dit Kongemoder, assassin de roi Rongemorder, note du vicomte de Colleville et F. de Zepelin.