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THÉATRE

malheureuse histoire où la mère de Dina… je te jure que ce n’a été qu’une erreur passagère, que je t’aimais sincèrement, profondément.

LONA. — Tu te demandes, sans doute, pourquoi je suis revenue ?

BERNICK. — Quels que soient tes projets je te conjure de ne rien entreprendre avant que je me sois justifié. Je le puis, Lona, tout au moins je puis me défendre.

LONA. — Tu as peur maintenant ! Tu dis que tu m’as aimée ; oui, tes lettres m’en ont donné souvent l’assurance. Peut-être était-ce alors que tu vivais à l’étranger, seul en de libres pays, où tu puisais je ne sais quel courage, quelle noblesse et quelle indépendance. Peut-être me trouvais-tu alors plus de caractère et de fermeté qu’à bien d’autres. Et puis, c’était un secret entre nous ; on ne pouvait te railler de ce goût étrange.

BERNICK. — Lona, comment peux-tu croire ?…

LONA. — Mais quand tu es revenu, quand tu as vu la ville me ridiculiser, et s’indigner de ce qu’elle appelait mes travers…

BERNICK. — Pourquoi toi-même ne ménageais-tu rien, ni personne ?

LONA. — Parce que je hais toutes les hypocrisies. Puis tu as fais connaissance de cette jeune et séduisante actrice…

BERNICK. — Ç’a été une heure de folie, rien de plus, je te le jure. Il n’y a pas le dixième de ce que l’on raconte à ce sujet qui soit vrai.

LONA. — Peut-être, en effet. Mais lorsque Betty revint, jeune, jolie, aimée ; lorsque tu appris qu’elle hériterait