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THÉATRE

femmes et les jeunes filles il ne sait pas du tout se conduire.

MADAME BERNICK. — Qui ? Johann ? Il me semble cependant qu’il a donné une preuve assez malheureuse…

LONA. — Ah ! au diable ces sottes histoires ! Où est Bernick ? Je veux lui parler ?

MADAME BERNICK. — Lona, je te dis de ne pas le faire.

LONA. — Si ! si ! même s’ils ne se plaisaient pas, il faudrait qu’ils s’épousent. Bernick est un homme assez intelligent pour trouver le moyen de…

MADAME BERNICK. — Et tu crois qu’il permettra ces façons américaines de procéder ?

LONA. — Sottises, Betty…

MADAME BERNICK. — Tu crois qu’un homme d’une aussi sévère moralité que Richard…

LONA. — Allons donc, il ne lui viendra pas à l’idée d’être si sévère que cela…

MADAME BERNICK. — Que veux-tu dire ?

LONA. — Je veux dire que Bernick n’est, en somme, pas beaucoup plus moral que les autres.

MADAME BERNICK. — Comment, ta haine est encore si vive contre lui !… Qu’es-tu venue faire alors si tu n’as pas oublié que ?… Je ne comprends pas comment après la honteuse querelle que tu as eue autrefois avec lui, tu oses reparaître devant ses yeux !

LONA. — C’est vrai, Betty, j’ai eu tort.

MADAME BERNICK (avec générosité). — Cependant, il t’a pardonnée, lui qui n’avait rien à se reprocher ! Ce n’était pas sa faute si tu t’étais forgé de vaines espérances. Depuis lors tu me hais moi aussi. (Fondant en larmes.) Tu ne m’as jamais pardonné mon bonheur. C’est pour le