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THÉATRE

hensible lettre que tu m’as adressée après ton départ ? Tu me priais d’avoir confiance en toi ; et j’ai eu confiance en toi, Johann. Tout le mal que l’on disait de toi pouvait être l’erreur d’un moment, d’une heure de folie.

JOHANN. — Je ne te comprends pas.

MARTHA. — Tu me comprends très bien ; mais laissons ce sujet. Tu es parti recommencer une nouvelle vie ; et moi, Johann, ta vieille amie, je t’ai remplacé. Les devoirs que tu n’as pas voulu ou pu remplir, je les ai pris à ma charge, moi. Je te le dis afin que tu n’aies pas de remords. Pour la pauvre enfant, j’ai été une mère, et je l’ai élevée aussi bien que j’ai pu.

JOHANN. — C’est pour cela que tu as brisé ta vie ?

MARTHA. — Je n’ai pas brisé ma vie. Mais tu es venu bien tard, Johann.

JOHANN. — Martha !… Ah ! si je pouvais tout te dire ! Permets-moi au moins de te remercier de ta sympathie.

MARTHA (souriant avec effort). — Maintenant que nous nous sommes complètement expliqués, Johann…, silence !… Voici quelqu’un. Adieu, je ne puis plus rien.

(Elle s’éloigne par la seconde porte à gauche. Mlle Hessel arrive du jardin.)


Scène XI

JOHANN, Mme BERNICK, Mlle LONA

MADAME BERNICK (du jardin). — Mais, mon Dieu, Lona, qu’est-ce qui te prend ?

LONA. — Laisse-moi, te dis-je, je veux et je dois lui parler.