Page:Ibsen - Les Soutiens de la société, L’Union des jeunes, trad. Bertrand et Nevers, 1902.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
THÉATRE

serre avec expansion). — Johann, enfin, nous sommes seuls ! Laisse-moi te remercier !

JOHANN. — De quoi ?

BERNICK. — Maison, patrie, bonheur familial, situation, je te dois tout.

JOHANN. — J’en suis ravi, mon cher Richard. Ainsi, cette sotte histoire s’est terminée pour le mieux ?

BERNICK (il lui serre de nouveau les mains). — Merci, merci du fond du cœur ! Il n’y a pas un homme sur mille qui aurait fait ce que tu as fait pour moi en cette circonstance !

JOHANN. — Ce n’était que justice. Nous étions tous les deux également jeunes et légers ; il fallait bien que l’un prit la faute à son compte.

BERNICK. — Mais qui devait prendre cette responsabilité, si ce n’est le coupable ?

JOHANN. — Halte-là ! Ce devait être l’innocent, car j’étais sans famille et j’étais libre. Toi, tu avais, au contraire, ta vieille mère à soigner, et puis ne venais-tu pas de te fiancer avec Betty ? Elle t’aimait tant ! Que serait-elle devenue si elle avait appris ?…

BERNICK — C’est vrai, c’est vrai ; mais…

JOHANN. — N’est-ce pas également pour Betty que tu as rompu avec Mme  Dorff ? Mais, pour en finir une bonne fois, où étais-tu ce soir-là…

BERNICK — Oui, ce malheureux soir, quand cet homme est rentré, ivre… Sans doute, Johann, c’est pour Betty que j’ai… Et pourtant, que tu aies été assez généreux pour te laisser attribuer cette faute et partir !

JOHANN. — N’aie pas de remords, cher Richard. Nous avions convenu qu’il en serait ainsi. Il fallait te sauver.