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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

BERNICK. — Je suis mécontent de tout ce qui se passe sur le chantier, Aune. Le travail ne marche pas. Il y a longtemps déjà que le Palmier devrait être radoubé. M. Wiegeland me tourmente et me presse à ce sujet. Vous savez que j’ai là un associé très exigeant.

AUNE. — Le Palmier pourra prendre la mer après demain.

BERNICK. — Enfin. Et l’Indian Girl que nous avons ici depuis six semaines ?

AUNE. — L’Indian Girl ! J’avais compris que nous devions nous occuper tout spécialement de votre bâtiment et y consacrer tout notre temps.

BERNICK. — Je ne vous ai donné aucune raison de croire cela. L’Indian Girl devait être réparé aussi promptement que possible ; et l’on n’en a rien fait…

AUNE. — À fond de cale elle est toute pourrie, monsieur le consul ; plus on y mettra de morceaux, pire ce sera.

BERNICK. — Ce n’est pas une raison. Krapp m’a donné l’explication vraie. Vous ne savez pas travailler avec les nouvelles machines que j’ai achetées, — ou plutôt vous ne voulez pas vous en servir.

AUNE. — Monsieur le consul, j’ai cinquante ans passés et depuis ma jeunesse je pratique notre vieille méthode.

BERNICK. — Elle ne vaut plus rien aujourd’hui. Vous ne pensez-pas, Aune, que je prends la nouvelle pour en tirer des profits dont, heureusement, je n’ai pas besoin ; mais il faut bien que je prenne en considération la société dans laquelle je vis et la prospérité de l’établissement que je dirige.