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L’UNION DES JEUNES

par votre belle-fille lui donnera sérieusement à penser.

bratsberg (il traverse la chambre). — Ma pauvre Selma ! Notre tranquille bonheur est détruit !

fieldbo. — Il y a quelque chose au-dessus de tout cela. Votre bonheur n’a été qu’une illusion. Sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres, vous avez bâti sur le sable. Vous avez été aveugle et orgueilleux, monsieur le chambellan.

bratsberg. — Moi ?

fieldbo. — Oui, vous. Ne vous offensez pas de ma franchise. Vous étiez fier de l’honorabilité de votre famille ; mais l’avait-on mis à l’épreuve cette honorabilité ? Saviez-vous même si elle pourrait soutenir l’épreuve ?

bratsberg. — Épargnez-vous la peine de me faire un sermon, monsieur le docteur. Les événements de ces derniers jours n’ont pas été sans laisser de traces sur moi.

fieldbo. — Je le pense bien ; mais encore faut-il avoir une vue claire des choses. Vous condamnez votre fils ; qu’avez-vous fait pour lui ? Vous lui avez adressé quelques sermons sur le respect qu’il doit à l’honorabilité de son nom ; mais vous ne l’avez pas instruit et dirigé de façon à ce que, dans une circonstance donnée, il sut se conduire honnêtement.

bratsberg. — Le croyez-vous ?

fieldbo. — Je ne le crois pas ; je le sais. C’est, du reste, la méthode générale. Au lieu de prêcher d’exemple, on croit remplir son devoir en émettant à l’usage des autres des aphorismes abstraits. Et il en résulte que ses milliers de jeunes gens bien, doués mais dont l’instruc-