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L’UNION DES JEUNES

monsen. — Si, sur une lettre de change de dix mille couronnes, vous rappelez-vous ?

bratsberg. — Ni pour dix ni pour cent mille ! Sur mon honneur, jamais !

monsen. — Alors c’est un faux ?

bratsberg. — Un faux ?

monsen. — Oui, on a imité votre signature ; je l’ai vue.

bratsberg. — Où ? Chez qui ?

monsen. — Je ne vous le dirai pas.

bratsberg. — Ah ! ah ! Nous le verrons bien un jour.

monsen. — Je vous en prie !

bratsberg. — Taisez-vous ! Ainsi on en est arrivé là ! Un faux ! Me mêler à ces choses malpropres ! Il n’est pas étonnant que l’on me traite sur le même pied que les autres ! Mais, cette fois, je vais en finir avec vous.

monsen. — Monsieur le chambellan, dans votre intérêt et dans l’intérêt de…

bratsberg. — Laissez-moi ! Allez-vous en ! C’est vous qui êtes la cause de tout ! Oui, vous ! On mène chez vous une vie déshonorante ! Malheur à celui de qui vient le mal ! C’est une vie coupable que l’on mène dans votre maison. Quels sont les gens que vous fréquentez ? Des gens de Christiania et d’ailleurs, qui ne songent qu’à bien boire et à bien manger et ne s’occupent pas de savoir dans quelle société ils se trouvent. J’ai vu moi-même vos nobles invités passer dans le chemin comme une troupe de loups hurlants. Et, c’est là le pire, votre conduite avec vos propres servantes a donné lieu à des scandales. Votre femme a perdu la tête à cause de vos débordements et de vos mauvais traitements.