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L’UNION DES JEUNES

j’ai fait je puis répondre devant Dieu et devant les hommes. Lorsque le pays, après sa séparation d’avec le Danemark, se trouva dans le besoin, mon père dépensa pour des fins patriotiques plus que ses moyens ne lui permettaient, et c’est ainsi qu’une partie de notre patrimoine passa à la famille Hejre. Qu’arriva-t-il alors ? Il y avait sur la propriété un bon nombre d’employés, d’ouvriers qui ont souffert par suite de l’administration imprudente de Daniel Hejre. En même temps Hejre abattit les bois au grand détriment, je pourrais dire pour le malheur, du district. N’était-ce pas mon premier devoir d’empêcher cela dès que je le pourrais ? Et je l’ai pu, j’avais la loi pour moi, j’étais dans mon bon droit en reprenant ma propriété.

monsen. — Je n’ai pas non plus enfreint la loi.

bratsberg. — Mais vous avez agi contre votre conscience, car vous en avez un peu, je suppose. N’avez-vous pas mis le désordre partout ici ? N’avez-vous pas compromis le respect que la fortune inspirait autrefois ? On ne demande plus maintenant comment sont acquises les richesses, ni depuis combien elles durent. On dit : « Combien a un tel, ou un tel ? » Et il est jugé. Moi-même je le supporte. Pourquoi sommes-nous là tous les deux à causer comme des camarades ? Parce que nous sommes les deux plus grands propriétaires du pays. Eh bien, je ne le veux plus. Une fois pour toutes, je vous ai dit ce que j’avais contre vous.

monsen. — Monsieur le chambellan, je vais me retirer des affaires et vous donner satisfaction sur tous les points ; mais, je vous en conjure, venez à mon aide.

bratsberg. — Non.