lundestad. — Les temps changent, voyez-vous. Il y a de nouveaux devoirs à remplir et pour les remplir il faut de nouvelles forces.
stensgard. — Sincèrement, monsieur Lundestad, vous voulez céder la place à Monsen ?
lundestad. — A Monsen ? Non, ce n’est pas à Monsen que je veux céder la place.
stensgard. — Alors je ne comprends pas.
lundestad. — Supposons que je cède la place à Monsen, croyez-vous qu’il aurait quelque chance d’être élu ?
stensgard. — C’est difficile à dire ; l’élection des électeurs du premier degré aura lieu dès après-demain et on n’a pas encore suffisamment travaillé l’opinion, mais…
lundestad. — Je crois que cela ne pourrait pas réussir. Mon parti et celui du chambellan ne voteraient pas pour lui. Je dis « mon parti » c’est une manière de parler. Je veux dire les propriétaires, les anciennes familles qui ont une situation solidement assise et qui sont d’ici ; tous ces gens-là ne veulent pas entendre parler de Monsen qui est un immigré, un étranger à la localité, il n’a pas de vrais partisans. Il a fallu qu’il travaille rudement pour se frayer un chemin, il a dû abattre autour de lui, non seulement des bois mais aussi des familles.
stensgard. — Alors si vous croyez qu’il n’a aucune chance…
lundestad. — Hé ! ce sont des dons bien rares que ceux que vous possédez, monsieur Stensgard. Dieu vous a bien doté, mais il y a une petite chose qu’il aurait dû vous donner par dessus le marché.
stensgard. — Et laquelle ?
lundestad. — Dites-moi, monsieur Stensgard, pour-