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THÉATRE

stensgard. — Pensiez-vous que j’allais me mettre à votre service pour faire du scandale ? Non, merci, mon brave homme !

aslaksen. — Monsieur l’avocat, ne me réduisez pas au désespoir, ça tournerait mal.

stensgard. — Que voulez-vous dire ?

aslaksen. — Que je serais contraint d’avoir recours à d’autres procédés pour rendre mon journal productif. Avant votre arrivée, je le remplissais avec des accidents, des suicides, des choses qui n’étaient pas arrivées quelquefois. Mais maintenant que vous avez tout bouleversé, le public veut une autre pâture.

stensgard. — Eh bien, moi, je n’ai que ceci à vous répondre : si vous me désobéissez, si vous enfreignez mes ordres, j’irai immédiatement chez l’imprimeur Halm et nous fondrons un autre journal. Nous avons assez d’argent, croyez-le bien. Avant quinze jours votre feuille de choux sera coulée.

aslaksen (très pâle). — Ne faites pas cela.

stensgard. — Si, je le ferai ; et je suis homme à rédiger un journal de façon à lui attirer le grand public.

aslaksen. — Dans ce cas, je vais immédiatement trouver le chambellan.

stensgard. — Vous ? Qu’avez-vous à lui dire ?

aslaksen. — Croyez-vous que je n’ai pas compris pourquoi il vous a invité ? Il a peur de vous et vous en abusez. Mais s’il a peur de ce que vous avez l’intention de faire, il aura peur aussi de ce que je le menacerai d’imprimer. De cette façon, j’aurai ma part de bénéfice.

stensgard. — Vous oseriez ? Un gâte-métier comme vous ?