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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

loin d’elle l’esprit de révolte, car il lui préparerait de mauvais jours.

MADAME HOLT. — Hélas ! nous en avons déjà plus qu’il n’en faudrait !

MADAME RUMMEL. — Oui ; n’a-t-il pas tenu à un cheveu, l’an dernier, que l’on ne fit passer le chemin de fer par ici ?

MADAME BERNICK. — Heureusement Bernick a pu l’empêcher !

RORLUND. — La Providence, Mme  Bernick ! Soyez-en en persuadée, votre mari n’était qu’un instrument dans sa main, alors même qu’elle semblait nous refuser son appui !

MADAME BERNICK. — Et combien il lui a fallu lire de choses désagréables à son adresse dans les journaux ! Mais nous oublions de vous remercier, monsieur le vicaire. C’est plus qu’aimable de nous sacrifier une si grande grande partie de votre temps.

RORLUND. — Je vous en prie… je suis en vacances

MADAME BERNICK. — Oui, oui, n’empêche que ce soit un vrai sacrifice.

RORLUND (approchant sa chaise). — Ne parlons pas de cela, chère madame Bernick. Ne feriez-vous pas toutes un sacrifice pour accomplir une bonne œuvre, et ne le feriez-vous pas volontiers, joyeusement même ? Ces pauvres gens, si corrompus, au salut desquels nous travaillons, doivent être considérés en quelque sorte comme des soldats blessés sur le champ de bataille. Vous, mesdames, vous êtes les infirmières, les sœurs de charité qui préparez la charpie, bandez les blessures, guérissez et consolez.