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THÉATRE

RORLUND. — Oui, c’est une bienfaisante contre-partie des productions quotidiennes de la presse. Que se cachet-il sous les apparences brillantes et fardées dont la haute société se montre si fière ? La pourriture et le néant. Toute moralité lui manque. Elle n’est rien qu’un sépulcre blanchi.

MADAME HOLT. — Très vrai.

MADAME RUMMEL. — Il suffit de regarder les marins américains qui sont actuellement dans notre ville.

RORLUND. — Je ne veux pas parler de cette écume de la société, non ; mais dans les classes dirigeantes elles-mêmes, que se passe-t-il ? Le doute et le trouble sont dans toutes les âmes ; la défiance est dans tous les esprits. Voyez comme la vie de famille s’en va ! Voyez avec quelle audace on s’y révolte contre les vérités les plus sacrées ?

MADEMOISELLE DINA (sans lever les yeux). — Cependant, ne fait-on pas aussi beaucoup de belles et grandes choses ?

RORLUND. — Belles et grandes ?… Je ne comprends pas.

MADAME HOLT. — Mais, mon Dieu, Dina…

MADAME RUMMEL (en même temps). — Mais, Dina, comment peux-tu ?…

RORLUND. — Je ne crois pas qu’il serait profitable d’introduire chez nous ces grandeurs et ces beautés-là ; et nous devons remercier Dieu de ce que les choses, demeurent ici comme elles sont. Il pousse bien un peu d’ivraie parmi le bon grain, mais faisons tous nos efforts pour l’arracher. Voyez-vous, mesdames, nous devons tous veiller également à ce que notre société reste pure et bannir