Page:Ibsen - Les Soutiens de la société, L’Union des jeunes, trad. Bertrand et Nevers, 1902.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
THÉATRE

MADAME BERNICK. — Que dis-tu ?

(Grande rumeur dans la foule).

RORLUND. — Enlevée !… Partie !… Avec lui !… C’est impossible !

BERNICK. — Elle sera sa femme, monsieur le vicaire, mais j’ai quelque chose à vous avouer encore. (A demi-voix :) Betty, fais appel à ton courage et écoute bien ce que je vais dire (à voix haute) : Messieurs, découvrez-vous devant cet homme, car il a courageusement pris sur lui la responsabilité des fautes d’un autre. Mes chers concitoyens, je veux en finir avec ce mensonge, car le mensonge était sur le point de pénétrer mon être tout entier. Vous saurez tout. C’est moi qui étais le coupable, il y a quinze ans.

MADAME BERNICK (bas et balbutiant). — Richard !

MARTHA (rêvant). — Oh ! Johann !…

LONA. — Enfin te revoici toi-même !

(Stupéfaction des assistants.)

BERNICK. — Oui, mes chers concitoyens, c’est moi qui étais le coupable et c’est lui qui s’est exilé. Il n’est pas possible d’anéantir maintenant les mensonges calomnieux que l’on a répandus depuis ; mais je me reproche de m’être servi d’eux, il y a quinze ans, comme d’un piédestal. S’ils causent ma chute aujourd’hui, ce sera pour vous tous matière à réflexions salutaires.

RORLUND. — Quel coup de foudre ! Le premier citoyen de la ville ! (A Madame Bernick.) Oh ! comme je vous plains, chère madame !

HILMAR. — De pareils aveux !… Non, c’est un peu fort !

BERNICK. — Mais ne prenons aucune décision, ce soir !