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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

LONA. — Parce que tu ne l’as jamais initiée à ta vie ; parce que tu n’as jamais eu avec elle de rapports sincères et libres ; parce que tes plaintes l’ont torturée au sujet de la honte où toi-même avais plongé sa famille.

BERNICK. — Oui, oui, le mensonge est la cause de tout.

LONA. — Pourquoi ne pas rompre avec le mensonge alors !

BERNICK. — Maintenant ? maintenant, il est trop tard, Lona !

LONA. — Richard, dis-moi quel bonheur tu trouves en ces hypocrisies et ces duperies.

BERNICK. — Aucun. Je voudrais disparaître avec toute cette société pourrie. Mais après nous viennent d’autres générations. J’ai mon fils pour lequel je dois travailler. Je veux lui préparer une tâche sérieuse à remplir. Une époque viendra où la vérité se fera enfin place dans la vie sociale ; peut-être aura-t-il une existence plus heureuse que son père.

LONA. — Et cet édifice sera construit sur un mensonge ? As-tu réfléchi à l’héritage que tu lui laisseras ?

BERNICK (avec un désespoir coûteux). — Je lui laisserai un héritage mille fois pire que tu ne le soupçonnes ; mais, un jour, cette malédiction sera livrée ! Et pourtant ! (Éclatant :) Pourquoi vous êtes-vous tous conjurés contre moi ? C’est fini maintenant ! Il faut que j’aille jusqu’au bout, je ne puis plus revenir en arrière. Et vous ne réussirez pas à me briser !