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LES SOUTIENS DE LA SOCIÉTÉ

nelle, telle que, si vous me dénoncez, vous me perdez et vous compromettez en une personne le riche et bel avenir de la société même, à laquelle vous appartenez par droit de naissance.

JOHANN. — Et moi, si je ne te dénonce pas, je perds le bonheur de ma vie entière.

LONA. — Continue, Bernick.

BERNICK. — Eh bien, écoute. Pour moi tout dépend du chemin de fer. L’affaire n’est pas aussi simple que vous vous l’imaginez. Vous savez, n’est-ce pas, qu’il est question de construire une ligne sur la côte ? Ce projet est soutenu par plusieurs citoyens influents de la ville et surtout par la presse. J’ai pu cependant le faire abandonner parce qu’il aurait nui à nos bâtiments qui font le service sur la côte, mais…

LONA. — Y as-tu des intérêts, toi, dans ces bâtiments ?

BERNICK. — Oui, mais de ce côté-là personne n’a rien soupçonné. L’honorabilité de mon nom m’a protégé. D’ailleurs, je me serais résigné personnellement à supporter cette perte. C’est à cause de la ville que je n’ai pas cédé et que j’ai voulu une ligne intérieure. Pendant les pourparlers, je me suis aussi secrètement assuré qu’il serait possible de construire un embranchement qui viendrait jusqu’ici.

LONA. — Pourquoi secrètement ?

BERNICK. — Avez-vous entendu parler de grands achats de forêts, de mines et de cascades ?

JOHANN. — Il paraît que c’est une compagnie étrangère qui a fait ces achats.

BERNICK. — Pour le moment ces terrains n’ont aucune valeur, on a pu les avoir à des prix très minimes : tandis