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THÉATRE

cette calomnie que nous avons pu obtenir quelques délais et mettre fin aux inquiétudes que l’on montrait déjà sur la solidité de notre maison. Un malheur impossible a prévoir nous frappait ; si l’on ne nous pressait pas, si l’on nous donnait du temps, tout le monde serait payé.

LONA. — Tout Le monde l’a-t-il été ?

BERNICK. — Oui, Lona ; cette fausse accusation nous a sauvés et m’a fait, moi, ce que je suis.

LONA. — Alors c’est un mensonge qui a fait de toi l’homme que tu es ?

BERNICK. — À ce moment là, il ne nuisait à personne. Johann avait l’intention de ne jamais revenir.

LONA. — À personne ? Sonde un peu ta conscience et demandes-toi si vraiment il n’en est résulté aucun mal.

BERNICK. — Dans toutes les âmes d’homme il y a un point noir qu’il faut cacher.

LONA. — Et vous vous appelez, je crois, les soutiens de la société ?

BERNICK. — Elle n’en a pas de meilleurs.

LONA. — Mais quelle importance y a-t-il à ce qu’une société de ce genre soit ou non renversée ? Vous n’avez que deux cultes, celui de l’hypocrisie et celui du mensonge, pas d’autre. Tu es, toi, l’homme le plus considéré de la ville, le plus heureux, le plus riche, le plus puissant et le plus honoré, toi qui as laissé accabler un innocent sous le poids de ta faute !

BERNICK. — Penses-tu que je ne sache pas mes torts envers lui ? Et que je ne serais pas heureux de les effacer ?

LONA. — De quelle façon ? Par un aveu public ?