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THÉATRE

la disette littéraire qui sévit dans l’Allemagne contemporaine, rêve aux beaux jours de Weimar, fit jouer le chef-d’œuvre du dramaturge norvégien par la troupe d’élite dont on n’ignore pas les tournées européennes et les légitimes succès. Il veilla lui-même à la mise en scène, aux répétitions et, enthousiaste de l’homme non moins que de son talent, il fit asseoir à côté de lui, dans sa loge grand-ducale, le soir de la première représentation, le poète à la tête puissante, à la blanche chevelure, épaisse comme celle d’un dieu du nord, dont la figure est aujourd’hui aussi populaire sur les bords de l’Elbe que sur les rives du Mélar.

Il y a encore, dans les faits et gestes d’Ibsen, bien des choses qui déplaisent à ceux que gênent ses enseignements, et la raillerie ne lui est pas épargnée. On parle de la brochette de décorations qui orne sa sévère redingote quand il paraît en public. On taxe de vanité le choix qu’il a fait pour son fils de la carrière diplomatique qui, d’ailleurs, semble sourire au jeune homme. On ricane enfin en voyant ce sexagénaire goûter avec quelque complaisance à la flatterie féminine qui s’associe gracieusement aux réceptions organisées pour lui pendant ses rares visites en Scandinavie. Ne s’est-il pas entouré de préférence d’un petit bataillon de femmes enthousiastes lors de ces fêtes de Stockholm, où il a eu l’occasion, il y a deux ans, d’exposer ses idées, d’une nature assez mystique, sur le troisième âge, dont il attend la venue et qui est, à proprement parler, l’âge de la vérité libre et triomphante, l’affranchissement de l’individu en face de la société ?

Mais l’énoncé seul de ces théories qui ont, dans le cœur et dans l’esprit du poète, de profondes racines,