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NOTICE SUR LES REVENANTS

délicat lui a révélé plus de franchise, plus de liberté de cœur, la seule qu’il apprécie véritablement, celle dont il appelle, dont il attend l’avènement dans les affaires de ce monde. En Norvège, c’est l’élément conservateur, ce sont les héritiers d’une aristocratie disparue des institutions, mais non de la vie sociale, qui l’ont longtemps regardé comme un allié. À l’étranger, à Rome, où il était allé chercher de la lumière, pour parler son langage, — celui d’Oswald dans les Revenants, — ce fut la société des fils de famille de sa race que le bohème de génie, peu connu encore dans ce temps-là, recherchait à l’égal de celle des artistes scandinaves. Ce sont eux à qui il accordait ses sympathies, pour peu qu’il reconnût dans leur esprit le goût de ce qu’il aimait, le beau dans la nature, le vrai dans la pensée et dans la parole. Près d’eux aux heures d’épreuves, il rencontrait cette fraternité sincère qui, dans les pays lointains, groupe généralement en un faisceau les diverses branches de la famille scandinave, passablement désunie dans ses foyers.

En Allemagne aussi, quand le poète, établi à Munich, commençait à voir se répandre autour de lui la gloire et l’influence de ses œuvres, ce fut une illustre protection qui donna à celles-ci et à leur auteur la place qui leur convenait. Là, de même qu’en Norvège, Ibsen eut à lutter contre la mesquinerie des vues et la grossièreté des moyens. La censure, avec son éternelle et universelle gaucherie, ne sut pas discerner l’idée profonde du poète de celle qu’il prête à Mme Alving, accusant, avec une exagération féminine, la règle et la loi de causer tous les malheurs de ce monde. Les Revenants fut interdit à Berlin. Alors le duc de Saxe-Meiningen, ce prince qui, au milieu de