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NOTICE SUR LES REVENANTS

étant intéressé. Mais vis-à-vis du pouvoir central, on se montre volontiers indépendant, frondeur, prêt à la menace et même à la résistance.

Ibsen a vécu, durant tout le cours de sa jeunesse, dans un de ces centres étroits, répugnants à sa nature, réfractaires à son action. Il a été maltraité, persécuté, il a failli être étouffé à ses débuts, et, non pour se venger, mais pour faire œuvre de justice et d’épuration sociale, il a flagellé plus tard ces pharisiens, en faisant grimacer leur petitesse et leur hypocrisie. Il l’a fait toutefois sans fiel, se plaçant à un point de vue élevé et philosophique, diminuant les responsabilités personnelles pour les remplacer par une responsabilité collective, sociale et, d’un autre côté, ne voyant pas de meilleur moyen d’action contre le mal engendré par la société qu’un appel à l’individu, au fond d’indépendance que chacun porte en soi et qui devrait le mettre en garde contre le mensonge intéressé des principes inscrits sur les bannières et des mots d’ordre servant de réclame.

C’est, en effet, dans son amour pour la vérité, infiniment plus que dans sa situation individuelle que le poète avait été blessé par la mesquinerie des siens. Les offenses au Vrai lui paraissent autant d’injures personnelles. Il en souffre profondément, mais la souffrance, loin d’étouffer en lui la réflexion, ne fait que la stimuler. D’une nature essentiellement spéculative, il n’a jamais pu s’empêcher de remonter des effets aux causes. Il a relevé un principe général, la transmission fatale, l’hérédité, qu’il a porté sur la scène comme M. Zola l’a mise dans ses romans. Le mal aussi, local au début, au moment de l’observation, se généralise pour lui à la réflexion et ses types s’en res-