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gina. — Tu comprends bien qu’il y a de nouveau ne brouille entre eux, puisque le fils quitte la maison. Tu sais comment ils sont l’un avec l’autre.

hialmar. — C’est peut-être vrai, mais cependant…

gina. — Et maintenant M. Werlé va croire que c’est toi qui es fautif de tout.

hialmar. — Eh bien ! Qu’il croie ce qu’il voudra. M. Werlé a beaucoup fait pour moi. Dieu me garde de le nier. Mais ce n’est pas une raison pour que je reste à jamais sous sa dépendance.

gina. — Tu sais, mon cher Ekdal, à la fin, tout ça pourra retomber sur grand-père. Peut-être bien qu’il y perdra son pauvre petit gain chez Graberg.

hialmar. — Un peu plus, je dirais tant mieux. N’est-ce pas humiliant pour un homme comme moi de voir son vieux père faire ainsi l’âne du moulin ? Mais le temps n’est pas loin, j’espère… (Il prend une nouvelle tartine.) J’ai une tâche à remplir, je n’y faillirai pas.

hedwige. — Oh oui ! papa.

gina. — Chut. Il ne faut pas l’éveiller.

hialmar, baissant la voix. — Je n’y faillirai pas, dis-je. Il faut bien qu’un jour… Voilà pourquoi il est heureux que nous ayons loué la chambre. Cela me donnera une position plus indépendante, comme il convient à un homme qui a une tâche à remplir. (Avec émotion, se tournant vers le fauteuil.)