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hedwige, pleurant de joie. — Papa chéri !

hialmar. — Non, ne m’appelle pas ainsi. Je me suis assis à la table de ce riche, chargée de mets exquis, et je m’en suis délecté ! J’aurais pu du moins !…

gina, assise près de la table. — Des bêtises, Ekdal, des bêtises.

hialmar. — Oh non ! Mais il ne faut pas m’en vouloir. Vous savez bien que je vous aime tout de même.

hedwige, lui jetant les bras autour du cou. — Et nous, papa, nous t’adorons !

hialmar. — Et s’il m’arrive d’être fantasque quelquefois, mon Dieu, souvenez-vous de tous les chagrins dont je subis l’assaut. Allons ! (Il s’essuie les yeux.) Pas de bière en un pareil moment, donne-moi la flûte.

(Hedwige se précipite vers l’étagère et apporte la flûte.)

hialmar. — Merci. Là. La flûte en mains et vous deux à mes côtés. Oh !

(Hedwige s’assied à la table, à côté de Gina. Hialmar arpente la pièce, attaque fortement l’instrument et joue une danse populaire tchèque, en lui donnant un caractère élégiaque et sentimental.)

hialmar, s’interrompant pour tendre la main gauche à Gina. D’un ton ému. — On a beau être à l’étroit sous notre humble toit, Gina, ce n’en est pas moins le foyer. Et je te le dis en vérité : il fait bon ici.

(Il se remet à jouer. On frappe à la porte d’entrée.)