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ROSMERSHOLM

rosmer. — Je n’en sais rien moi-même. Je ne crois pas pouvoir vivre. D’ailleurs, je ne connais rien au monde qui vaille la peine de vivre.

rébecca. — Ah, la vie ! Elle contient en elle le renouvellement. Tenons-nous y ferme, Rosmer. Elle nous échappera assez tôt.

rosmer, se levant agité. — Alors rend-moi la foi en toi, Rébecca ! La foi en ton amour ? Je veux une preuve ! Une preuve !

rébecca. — Une preuve ! Comment te la donnerais-je !

rosmer. — Il me la faut ! (Il remonte la scène.) Je ne puis supporter cette situation, ce vide affreux, ce… ce…

(On frappe fortement à la porte d’entrée.)

rébecca, se levant effarée. — Ah, — tu entends ?

La porte s’ouvre, Entre Ulric Bresdel. Il porte une chemise à manchettes, une redingote noire et des boites en bon état par dessus son pantalon. Le reste de son costume comme au premier acte. Il paraît troublé.

rosmer. — Ah, c’est vous, M. Brendel.

brendel. — Jean, mon enfant, je te salue. Adieu !

rosmer. — Où allez-vous si tard ?

brendel. — Je descends la côte.

rosmer. — Comment cela ?

brendel. — Je rentre chez moi, mon précieux élève. J’ai la nostalgie du grand néant.