Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
ROSMERSHOLM

ce serait aller droit à l’abîme que de se donner ouvertement pour un renégat ! Le voyez-vous, avec son esprit timoré, repoussé, poursuivi par le milieu auquel il a appartenu jusqu’à ce jour ? Exposé à être attaqué sans pitié par ce qu’il y a de mieux dans la société ? Jamais de la vie il ne pourrait résister à cela.

rébecca. — Il faudra bien qu’il y résiste ! Il est trop tard pour reculer.

kroll. — Pas le moins du monde. On pourra faire le silence autour de ce qui est arrivé, ou du moins représenter tout cela comme un égarement fatal, mais passager. Cependant, il y a une règle de conduite qu’il sera en effet indispensable de suivre.

rébecca. — Laquelle ?

kroll. — Il faudra, mademoiselle West, que vous l’ameniez à légaliser cette situation.

rébecca. — Sa situation à mon égard ?

kroll. — Oui, il faut l’y amener.

rébecca. — Ainsi donc, vous ne pouvez pas vous défaire de l’idée que nos relations aient besoin d’être légalisées, comme vous dites.

kroll. — Je ne veux pas discuter cette question. Mais je crois avoir remarqué qu’il n’est jamais aussi facile de rompre avec les soi-disant préjugés que lorsque… hm.

rébecca. — Lorsqu’il s’agit de relations entre homme et femme, voulez-vous dire ?