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hialmar. — Ah, mon ami, pourquoi en parler ? Mon malheureux père habite chez moi, bien entendu. Il n’a que moi au monde. Mais c’est là, vois-tu, un sujet si cruel, si poignant. Dis-moi plutôt ce que tu as fait là-haut, à l’usine.

grégoire. — J’ai joui de ma solitude. J’ai eu le loisir de réfléchir à bien des choses. Viens ici, nous serons mieux pour causer.

(Il s’assied dans un fauteuil, devant la cheminée et oblige Hialmar à prendre un siège à côté du sien.)

hialmar, avec émotion. — N’importe, Grégoire : je te dois bien des remercîments pour m’avoir fait dîner à la table de ton père ; cela me prouve que tu ne m’en veux plus.

grégoire — D’où te vient cette idée, pourquoi t’en voudrais-je ?

hialmar. — Je ne sais pas. Mais tu m’en as certainement voulu les premières années.

grégoire. — De quelles années parles-tu ?

hialmar. — De celles qui ont suivi le désastre. Et c’était si naturel !… Il s’en est fallu de peu que ton père lui-même fût compromis dans ces… dans ces horribles histoires.

grégoire. — Et je t’en aurais voulu, à toi ? Qui a pu te le faire croire ?

hialmar. — Je le sais, Grégoire : c’est ton père lui-même qui me l’a dit.

grégoire, avec un sursaut. — Mon père ! Ah, très