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hialmar, qui a entendu les dernières paroles de Werlé. — Tu n’aurais pas dû m’envoyer cette invitation, Grégoire.

grégoire. — Comment ! La fête est soi-disant en mon honneur, et je n’aurais pas le droit d’inviter mon meilleur ami.

hialmar. — Je ne crois pas que j’aie fait plaisir à ton père : je ne viens jamais ici.

grégoire. — Je le sais. Mais j’ai tenu à te voir, à te parler, car bientôt je m’en irai sans doute, je retournerai là-bas. — Eh oui ! Hialmar, nous nous étions perdus de vue depuis l’école. Voilà seize ou dix-sept ans que je ne t’ai rencontré.

hialmar. — Y a-t-il vraiment si longtemps ?

grégoire. — Sans doute. Voyons ! Comment cela va-t-il ? Tu as bonne mine. Un peu plus, je te trouverais gros et gras.

hialmar. — Hum — gras, n’est pas précisément le mot. Mais j’ai probablement l’air plus viril que je ne l’avais alors.

grégoire. — C’est certain. Ton physique n’a pas souffert.

hialmar, d’une voix sombre. — Mais le moral, Grégoire ! Je t’assure bien qu’il a changé ! Tu sais comment tout s’est effondré pour moi et les miens, depuis que nous ne nous sommes vus.

grégoire, baissant la voix. — Ton père ? — Que fait-il maintenant ?