Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
ROSMERSHOLM

me débattais encore dans le doute et dans l’incertitude. Et ce combat, je l’ai livré seul dans le fond de ma conscience. Je crois que pas même Rébecca…

kroll. — Rébecca ?

rosmer. — Eh bien, oui, mademoiselle West. Je l’appelle Rébecca pour simplifier les choses.

kroll. — Je l’avais remarqué.

rosmer. — Voilà pourquoi il me semble tout à fait incompréhensible que Félicie ait eu cette idée. Et pourquoi ne m’en a-t-elle jamais parlé ? Et jamais elle ne l’a fait. Jamais un mot !

kroll. — L’infortunée ! — Elle m’a tant prié, tant supplié de t’en parler.

rosmer. — Et pourquoi ne l’as tu pas fait ?

kroll. — Je n’ai pas douté un instant qu’elle eût l’esprit troublé, cette fois-là. Une pareille accusation contre un homme comme toi ! Environ un mois plus tard, elle paraissait plus calme, mais, en parlant, elle me dit : « Préparez-vous à voir bientôt le cheval blanc à Rosmersholm. »

rosmer. — Ah, oui, le cheval blanc, elle en parlait souvent.

kroll. — Et comme je tâchai de l’arracher à de si tristes pensées, elle se contenta de répondre : « Je n’en ai plus pour longtemps, car maintenant il faut que Jean épouse Rébecca, sans retard. »