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ROSMERSHOLM

tu sais, de la bibliothèque du docteur. Mais, mon cher Kroll, tu ne peux pas nous supposer assez imprudents pour avoir initié la pauvre malade à de pareilles questions. Je puis affirmer solennellement que nous n’avons rien à nous reprocher. C’est son propre cerveau et ses nerfs ébranlés qui l’ont égarée.

kroll. — Dans tous les cas, il y a une chose que je puis te raconter maintenant. C’est que la pauvre Félicie, tourmentée et exaltée au delà du possible, s’est suicidée pour te laisser vivre heureux, libre, à ta guise.

rosmer, avec un brusque mouvement pour se lever. — Qu’entends-tu par là ?

kroll. — Il faut m’écouter tranquillement, Rosmer. Je puis tout te dire, maintenant. Durant la dernière année de sa vie, elle est venue deux fois chez moi pour me confier son angoisse et son désespoir.

rosmer. — À ce sujet ?

kroll. — Non. La première fois, elle est venue me dire que tu étais sur le point de renier ta foi, d’abandonner la religion de tes pères.

rosmer, vivement. — Ce que tu dis là est impossible, Kroll ! Tout à fait impossible. Tu te trompes certainement.

kroll. — Pourquoi cela ?

rosmer. — Parce que, du vivant de Félicie, je