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ROSMERSHOLM

kroll, le considère, en hochant lentement la tête. — Aveugle, qui ne vois pas le piège !

rosmer. — Moi ? Pourquoi dis-tu cela ?

kroll. — C’est que je n’ose pas, que je ne veux pas croire autre chose. Non, non, laisse-moi m’expliquer. Tu attaches du prix à mon amitié, et à mon estime aussi ? N’est-ce pas, Rosmer ?

rosmer. — Je n’ai pas besoin de répondre à cette question.

kroll. — C’est qu’il y a encore d’autres questions qui exigent des réponses, une franche explication de ta part. Consens-tu à ce que je te fasse subir une sorte d’interrogatoire ?

rosmer. — D’interrogatoire ?

kroll. — Oui ; que je touche à certains sujets dont le souvenir pourra t’être pénible ? Vois-tu, ton apostasie, ou ton affranchissement, comme tu dis, se rattache à tant de choses dont il est nécessaire que tu me rendes compte, dans ton propre intérêt.

rosmer. — Fais toutes les questions qu’il te plaira, cher ami. Je n’ai rien à cacher.

kroll. — Eh bien, dis-moi quelle a été, selon toi, la véritable raison qui a poussé Félicie au suicide ?

rosmer. — Y a-t-il le moindre doute à ce sujet ? Ou plutôt, peut-on demander les raisons d’agir d’un pauvre être malade et irresponsable ?