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ROSMERSHOLM

rait amener une rupture entre nous. D’où te vient cette idée ?

rosmer. — C’est que tu attaches un si grand prix à l’accord des jugements et des opinions.

kroll. — Eh bien, oui ; mais en ce qui nous concerne, nous sommes à peu près d’accord, sur tout, ou au moins sur les questions fondamentales.

rosmer, doucement. — Non ; nous ne le sommes plus.

kroll, faisant un brusque mouvement pour se lever. — Qu’est-ce à dire ?

rosmer, le retenant. — Reste assis. Je t’en prie, Kroll.

kroll. — Que veux-tu dire ? Je ne te comprends pas. Parle clairement.

rosmer. — Il s’est fait un renouveau dans mon esprit. Un nouveau rayon de jeunesse m’a frappé. Et voilà comment j’en suis là… moi aussi.

kroll. — Où cela, où en es-tu ?

rosmer. — Au même point que tes enfants.

kroll. — Toi ? toi ! Mais c’est impossible. Tu dis que…

rosmer. — Je suis du même côté que Laurent et que Hilda.

kroll, baissant la tête. — Renégat ! Jean Rosmer est un renégat !

rosmer. — Que de joie, que de bonheur j’aurais pu trouver dans ce reniement, comme tu l’appel-