Page:Ibsen - Le Canard sauvage, Rosmersholm, trad. Prozor, 1893.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
ROSMERSHOLM

mme helseth. — Oui, monsieur.

kroll. — Peux-tu vraiment supporter la présence de cet homme chez toi.

rosmer. — Tu sais bien qu’il a été mon précepteur pendant quelque temps.

kroll. — Oui, je sais qu’il te bourrait la tête d’idées de révolte et qu’alors ton père l’a chassé à coups de cravache.

rosmer, avec un peu d’amertume. — Mon père est toujours resté colonel, jusque dans sa propre maison.

kroll. — Tu devrais l’en remercier dans sa tombe, mon cher Rosmer. Voilà !

(Mme Helseth fait entrer Ulric Brendel par la porte de droite et la referme sur lui. C’est un homme d’une belle prestance, à la figure un peu minée, mais agile et dégagé dans les mouvements. Barbe et chevelure grises. Du reste, il est habillé comme un simple vagabond. Habit râpé, chaussures en mauvais état ; pas de linge visible, gants noirs usés, un chapeau mou et sale sous le bras, une baguette à la main.)

ulric brendel, montre d’abord quelque hésitation, puis il s’avance vivement vers le recteur et lui tend la main. — Bonsoir, Jean !

kroll. — Monsieur…

brendel. — T’attendais-tu à me revoir, dis ? Et cela dans l’enceinte de ces murs détestés ?

kroll. — Monsieur (indiquant du doigt), voici…

brendel, se retournant. — Ah oui ! C’est bien