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ROSMERSHOLM

vous trouvez à Rosmersholm depuis que vous y êtes seule ? depuis que la pauvre Félicie ?…

rébecca. — Merci, je m’y trouve bien. Sans doute, elle a laissé un grand vide sous bien des rapports. Et des regrets aussi, certainement. Mais…

kroll. — Avez-vous l’intention de rester ici ? Je veux dire définitivement ?…

rébecca. — Mon cher recteur, je n’ai pas réfléchi à cela. Il me semble presque appartenir à Rosmersholm, tant je m’y suis habituée.

kroll. — Je le crois sans peine.

rébecca. — Et tant que M. Rosmer trouvera ma présence agréable ou utile, eh bien, oui, je suppose que je resterai ici.

kroll, la regardant avec émotion. — Savez-vous bien qu’il y a de la grandeur dans la conduite d’une femme qui sacrifie ainsi toute sa jeunesse à faire le bonheur des autres.

rébecca. — Mon Dieu ! quel autre intérêt l’existence peut-elle m’offrir ?

kroll. — D’abord vous vous êtes dévouée à votre père adoptif qui était paralytique et dont l’humeur intraitable…

rébecca. — Il ne faut pas vous représenter le docteur West si intraitable que cela tant que nous demeurions dans le Finmark. Ce sont ces terribles voyages sur mer qui l’ont brisé. Quand nous nous sommes établis ici, il y a eu, quelques années dif-