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ROSMERSHOLM

madame helseth. — Quant à ça, mademoiselle, je crois plutôt que ce sont les morts qui ne se détachent pas facilement de Rosmersholm.

rébecca, la regardant. — Les morts ?

madame helseth. — On dirait vraiment qu’ils ont du mal à se séparer entièrement de ceux qu’ils laissent après eux.

rébecca. — Qu’est-ce qui vous fait croire cela ?

madame helseth. — Je pense que, sans ça, on ne verrait pas apparaître ce cheval blanc.

rébecca. — Voyons, madame Helseth, qu’est-ce donc que ce cheval blanc ?

madame helseth. — Pourquoi en parler ? Vous ne croyez pas à ces choses-là, j’imagine.

rébecca. — Et vous ?

madame helseth, allant fermer la fenêtre. — Oh ! je ne veux pas que mademoiselle se moque de moi. (Elle regarde par la fenêtre.) Mais, n’est-ce pas le pasteur qui a repris le chemin du moulin ?

rébecca. — Cet homme-là ? (Elle s’approche de la fenêtre.) — Je ne me trompe pas, c’est le recteur !

madame helseth. — C’est, ma foi, vrai, c’est le recteur !

rébecca. — Vous allez voir qu’il vient chez nous. Ah ! je suis bien contente.

madame helseth. — Il ne se gêne pas, le recteur. Lui, le propre frère, traverse la passerelle sans