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je m’en vais voir si votre papa est encore étendu sur le canapé, à réfléchir à sa fameuse invention.

(Il sort par la porte du palier.)

grégoire, s’approchant d’Hedwige. — Je vois à votre figure qu’il n’y a encore rien de fait.

hedwige. — Quoi donc ? Ah ! vous parlez du canard sauvage. Non.

grégoire. — Votre cœur a défailli, j’imagine, au moment d’exécuter l’acte.

hedwige. — Non, ce n’est pas ça. Mais quand je me suis réveillée, ce matin, et que j’ai pensé à tout ce que nous avons dit, ça m’a paru si extraordinaire !…

grégoire. — Extraordinaire, dites-vous ?

hedwige. — Oui, je ne sais pas. Hier soir, au moment même, je me disais que ce serait délicieux. Puis après, quand j’ai dormi et que je me suis souvenue, ce n’était plus ça.

grégoire. — Ah ! ce n’est pas impunément que vous avez été élevée sous ce toit.

hedwige. — Ça m’est bien égal. Si seulement papa pouvait rentrer !

grégoire. — Oh ! si vous aviez seulement des yeux pour voir ce qui donne du prix à la vie, si vous aviez le ferme et joyeux courage, le véritable esprit de sacrifice, vous verriez bien comme il