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hialmar. — Et alors ? Voyons…

gina. — Enfin, il vaut peut-être mieux que tu le saches, il n’a pas démordu avant d’avoir tout ce qu’il voulait.

hialmar, joignant les mains. — Et c’est là la mère de mon enfant ! Comment as-tu pu me cacher une telle chose ?

gina. — Oui, ça n’est pas bien à moi. J’aurais dû te l’avouer depuis longtemps.

hialmar. — Tu aurais dû me le dire tout de suite. Au moins j’aurais su qui tu étais.

gina. — M’aurais-tu épousée tout de même, dis ?

hialmar. — Comment peux-tu le supposer !

gina. — Voilà pourquoi je n’ai rien osé dire. J’avais tant d’amour pour toi, tu sais bien. Et je ne pouvais pourtant pas faire mon propre malheur.

hialmar, marchant dans la chambre. — Et c’est là la mère de ma petite Hedwige ! Et savoir que tout ce qui m’entoure : (Il donne un coup de pied à une chaise.) Tout mon foyer, je le dois à cet homme !… Oh ! quel beau séducteur que ce Werlé !

gina. — Est-ce que tu regrettes les quatorze ou quinze ans que nous avons vécu ensemble ?

hialmar, se plaçant en face d’elle. — Dis-moi, n’as-tu pas gémi chaque jour, à chaque minute, sur ce tissu de mensonges, que tu as filé autour de moi, comme une araignée ? Réponds-moi ! N’as-tu