Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

D'IBN KHAf.DOUN. 77

rent attribuer à Dieu un corps, en prenant à la lettre (quelques textes d'une signification obscure). Ils allèrent même plus loin et affirmèrent la corporéilé (de l'Etre suprême), mais en y mettant les mêmes ré- serves qu'eux (les Hanbelites). Voulant aussi sauver la doctrine de l'exemption, ils se servirent d'une expression renfermant une contra- diction et une absurdité : « Dieu, disaient-ils, est un corps, mais non pas comme les (autres) corps. » (Cette distinction ne vaut rien, car) le mot corps (djism), en langue arabe, désigne ce qui a de l'épaisseur et des limites. On en donne (il est vrai) d'autres définitions : tantôt c'est ce qui subsiste par soi-même et tantôt c'est ce qui est composé d'a- tomes, etc. Mais ces formules appartiennent aux théologiens scolas- tiques, qui les avaient adoptées en laissant de côté le sens attribué au mot corps dans la langue arabe. Aussi les corporalisles se jetèrent-ils non-seulement dans l'innovation , mais dans l'infidélité-, ils assignè- . rent à Dieu un attribut imaginaire qui ferait croire à son imperfec- tion et dont aucune mention ne se trouve ni dans le Coran ni dans les paroles du Prophète.

Le lecteur voit maintenant les différences qui existent entre le sys- tème des premiers musulmans et des scolastiques orthodoxes, et celui des sectaires plus modernes et des innovateurs, tant motazelites que corporalistes.

Parmi les théologiens des temps postérieurs', se trouvèrent des extravagants qu'on nommait assimilateurs et qui affirmaient la réalité de la ressemblance (entre Dieu et ses créatures). Cette doctrine fut portée si loin qu'un de leurs adeptes disait, à ce qu'on rapporte : « Ne me demandez de vous parler ni de la barbe de Dieu, ni de ses parties génitales; quant au reste, je saurai répondre à toutes les ques- tions qu'il vous plaira de m'adresser. » Aucune interprétation donnée à cette doctrine ne peut la pallier, à moins qu'on ne dise en leur faveur qu'ils avaient seulement l'intention de renfermer (dans les li- mites d'ime seide proposition'-^) toutes les idées (absurdes) que cer- tains versets du Coran, pris à la lettre, pourraient inspirer, et que ' Lisez j^tXj^l, sans techdid. — ' Littéral, «de circonscrire.»

�� �