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sans nous tromper. Mais on ne doit pas employer celte balance pour peser les choses qui se rattachent à Tunité de Dieu, à la vie future, à la nature du prophétisme, au véritable caractère des attributs divins et à tout ce qui est au delà de sa portée. Vouloir le faire, ce serait luie absurdité. Que dire d'un homme qui, voyant une de ces balances qu'on emploie pour peser de l'or, voudrait s'en servir pour . peser des montagnes? Cela ne prouverait pas que la balance donne de faux résultats. La vérité est que la raison est limitée par cer- P. 3i taines bornes et qu'elle ne doit pas essayer de les dépasser dans l'es- poir de comprendre la nature de Dieu et de ses attributs. Elle n'est qu'un atome parmi ceux qui composent les choses qui existent et qui proviennent de Dieu.

Ces considérations feront comprendre l'erreur de ceux qui, dans ces matières abstruses, se fient à leur raison plutôt qu'à ce qu'ils ont entendu; elles feront aussi reconnaître la faiblesse de l'intelligence humaine et la vanité de ses jugements. Quand on a bien compris ces vérités, on doit convenir que les causes, lorsqu'elles remontent au delà de notre compréhension et de notre sphère d'existence, ne sont plus de cette catégorie qui se laisse apercevoir (par la simple raison). On admettra aussi que, si la raison tâchait de les saisir, elle irait à l'abandon dans le champ des conjectures. La confession de l'unité de Dieu est donc l'aveu implicite de notre impuissance de saisir les causes des choses et le mode de leur opération; elle indique que nous en laissons la compréhension à celui qui les a créées et dont l'intelligence les embrasse toutes. Comme il n'y a point d'autre agent que Dieu, toutes les causes remontent jusqu'à lui et dépendent de sa puissance. Ce que nous savons au sujet (des causes), nous le devons au fait que nous sommes sortis de lui. Ces observations feront com- prendre la pensée d'un profond investigateur de la vérité, qui disait : « L'impuissance de percevoir est un mode de perception '. »

C'est-à-dire, l'aveu d'impuissance de ceplion supérieure à celle qu'il possédait comprendre est pour celui qui le fait une déjà, preuve qu'il possède une facullé de per-

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