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352 PROLEGOMENES

à la perception des saveurs; mais, en tant que la faculté dont nous parlons a pour objet d'énoncer des idées au moyen de la parole et qu'elle a pour siège la langue, organe qui est aussi le siège du sens par lequel sont perçues les saveurs, on lui a appliqué, par métaphore, le nom de (joût. Nous pouvons même dire que la faculté (ainsi dési- gnée) appartient de fait à la langue, comme c'est à elle qu'appartient la perception des saveurs. Quand on a bien compris cela, on recon- naît que les étrangers qui ont commencé à apprendre l'idiome des Arabes, et qui se trouvent obligés à le parler afin d'entrer en relation avec le peuple qui s'en sert, on reconnaît, dis-je, que ces étrangers, tels que les Persans, les Grecs et les Turcs, dans l'Orient, et les Berbers dans l'Occident, ne sauraient s'approprier ce goût, parce qu'ils n'acquièrent que très-imparfaitement la faculté dont nous avons exposé la nature. (El pourquoi cela.**) C'est que tous ces gens, ayant commencé à un certain âge et lorsque leur langue avait déjà pris l'Iîa- bitude de parler un autre idiome, c'est-à-dire celui de leur pays, ne visent absolument qu'à apprendre les expressions, tant simples que composées, dont les habitants des villes usent entre eux dans leurs conversations, et cela, parce que la nécessité les y oblige.

Cette faculté s'est maintenant perdue pour les habitants des villes (arabes); ils en sont même fort éloignés, ainsi que nous l'avons dit. Il est vrai que, sous le rapport (du langage), ils possèdent une autre faculté, mais ce n'est pas celle qui est généralement recherchée et qui consiste à bien parler la langue (arabe). Celui qui connaît uniquement par les théories systématiques consignées dans les li- vres les lois qui régissent cette faculté est bien loin d'en pos- P. 3i6. séder la moindre partie; il en a appris les règles et rien de plus; car, ainsi que nous l'avons dit précédemment, cette faculté ne s'ac- quiert que par un exercice assidu, par l'habitude et par la répé- tition fréquente des locutions employées par les Arabes. S'il vous venait en pensée d'opposer à cela ce que vous avez ouï dire, que Sîbaouaïh, El-Fareci, Zaniakhcheri, et autres écrivains distingués par leur style, étaient étrangers, et que cependant ils sont parvenus

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