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306 PROLEGOMENES

voyons-nous que beaucoup de savants d'origine étrangère ont pour habitude, en donnant des leçons et en faisant des cours, de ne pas rapporter (avec des explications) les gloses qu ils tirent des livres (arabes), mais de les (apprendre par cœur et de les) débiter (telles qu'elles sont), voulant ainsi s'épargner la tâche d'aborder les diffi- cultés offertes par ces passages, et se rendre ainsi j51us facile l'in- telligence des idées qu'ils renferment. Mais celui qui s'est acquis la faculté de bien comprendre la signification des mots, tant articulés qu'écrits, n'a pas besoin d'avoir recours à ce subterfuge; le talent de reconnaître les mots en les voyant écrits et de saisir les idées quand il entend prononcer les mots (qui les représentent) est devenu pour lui comme un attribut inné, et fait disparaître le voile qui lui cachait les idées auxquelles ce§ mots correspondent. Celui qui met un grand . empressement à s'instruire, qui s'attache à l'étude de la langue et des paroles écrites, obtiendra une connaissance solide de ces matières; nous en voyons des exemples parmi les savants étrangers, mais ces P. 278. exemples sont rares, et, si l'on compare ces savants avec leurs con- temporains et confrères de race arabe, on verra que ceux-ci les surpassent en savoir et dans la faculté de bien manier la langue. L'in- fériorité des étrangers provient du relâchement que l'habitude d'in- tonations barbares (arfy'ma), contractée de bonne heure, fait subir (aux organes de la parole), en affaiblissant leur action.

Qu'on ne nous objecte pas la déclaration que nous avons déjà laite, savoir, que la plupart des savants parmi les musulmans étaient des adjeni (non-Arabes), car nous avons voulu désigner par ce terme ceux qui étaient d'origine étrangère, et nous avons fait remarquer que la longue persistance de la civilisation sédentaire chez ces peuples les avait habitués à la pratique des arts et à l'acquisition des connais- sances scientifiques. Mais ici il s'agit d'autre chose, savoir, de Yadjma (ou embarras) éprouvé par la langue (quand elle n'est pas habituée à la prononciation de l'arabe). Si l'on nous objecte les Grecs, peuple très-versé dans les sciences, je répondrai qu'ils en avaient acquis la connaissance par l'intermédiaire de leur propre langue, celle qu'ils

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