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DIBN KHALDOUN. 263

selon le caractère des individus à qui cette faveur est accordée : c'est tantôt un homme saint qui l'obtient cl tantôt un pécheur (c'est-à-dire un magicien)-, mais celui-ci voit cette faveur tourner à sa honte. Un homme pervers peut recevoir cette faculté, mais il ne peut pas se la donner ni la communiquer à autrui. La fabrication du grand œuvre, envisagée sous ce point de vue, est donc un procédé magique, et nous avons déjà dit que les effets de la magie se produisaient sous l'influence de l'âme (humaine), l^es manifestations qui viennent inter- rompre le cours ordinaire de la nature sont, ou des miracles, ou des prodiges opérés par de saints personnages, ou bien des effets de la magie. Voilà pourquoi les philosophes qui traitent du grand œuvre V. aii parlent par énigmes que personne ne saurait comprendre, excepté les hommes qui se sont plongés dans l'abîme des sciences magiques et qui ont remarqué les diverses actions que l'âme (humaine) exerce sur le monde naturel. Les effets provenant de causes surnaturelles sont si nombreux que personne ne saurait les connaître tous, et Dieu em- brasse par sa science tout ce qu'ils font. [Coran, sour. m, vers. 116.)

Le motif le plus ordinaire de l'empressement que l'on met à prendre connaissance de cet art et à le cultiver est celui (|ue nous avons déjà indiqué, savoir, le peu d'inclination qu'on éprouve à chercher sa vie en suivant la voie la plus simple que la nature nous offre, et le désir d'arriver à la fortune de quelque autre manière. Les moyens naturels de gagner sa vie sont l'agriculture, le commerce et la pratique des arts; mais les gens paresseux, trouvant qu'il se- rait trop fatigant de s'engager dans des occupations de ce genre afin de se procurer la subsistance, désirent s'enrichir tout d'un coup par l'alchimie ou par fout autre moyen surnaturel. Ce sont ordinaire- ment des hommes pauvres qui s'en occupent; mais les philosophes aussi ont discuté sur la réalité du grand œuvre et sur sa non-exis- lence. Ibn Sina, qui tenait im haut rang comme vizir, et qui niait la réalité (de cette matière merveilleuse), possédait de grandes ri- chesses; mais El-Farabi, qui y croyait, était un de ces malheureux qui n'avaient pas toujours de quoi manger. Les spéculations des gens

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