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DIBN KHALDOUN. 259

xMais, pour embrasser toutes ces connaissances, il faudrait posséder la faculté par laquelle Dieu sait tout, car l'entendement de l'homme est trop imparfait pour y parvenir. Celui qui prétend faire de l'or au moyen de l'alchimie ressemble à l'homme qui se dirait capable de créer un être humain avec de la liqueur séminale. Quand même nous reconnaîtrions à celui-ci la connaissance des éléments dont le corps se compose, celle de leurs proportions relatives, celle des phases par lesquelles passe la formation du corps, celle de la manière dont le fœtus est créé dans le sein de la mère, — admettons qu'il sache tout cela jusqu'aux moindres détails, sans en laisser passer un seul, et sommons-le de créer un être humain : il ne saurait comment s'y prendre.

Pour faire mieux saisir notre raisonnement, nous allons le repro- duire encore sous une forme plus sommaire. L'art des alchimistes, et ce qu'ils ont la prétention de faire an moyen de leurs opérations, consiste à imiter, par des procédés artificiels, l'action de la nature sur les minéraux, et de suivre la nature pas à pas, jusqu'à ce que le corps minéral (sur lequel on opère) soit parvenu à sa perfection; ou bien (d'après l'autre théorie, cet art) consiste en la création d'une matière possédant certaines vertus, produisant certains effets et douée d'uneybrme lempéramenlalc, laquelle matière exercerait sur un corps une action naturelle et s'assimilerait ce corps en lui donnant sa propre P. î38. forme. Or, avant de commencer le procédé artificiel, il faut se faire une idée nette de toutes les circonstances qui sont particulières au mode d'opération par lequel la nature exerce son action sur les mi- néraux, opération qu'il s'agit de suivre pas à pas; ou bien (dans l'autre cas) il faut savoir d'une manière précise et détaillée toute la série d'effets que la matière douée des vertus (transformantes) doit produire (sur le minéral qu'on veut traiter). Mais ce sont là des circonstances à l'infini, et la science humaine serait incapable de les embrasser toutes. L'alchimiste ressemble donc à l'homme qui entreprend de créer un être humain, ou un animal, ou une plante.

L'argument dont je donne ici le résumé est le meilleur que je con-

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